samedi 22 octobre 2011

Interview exclusive de Martin Brossolet

Martin Brossolet, créateur notamment de la série "La Crim'", "Le  Refuge", scénariste de "Léa Parker", "Soeurthérèse.com", directeur de collection de la série "Préjudices" ou encore enseignant à la Femis et au CEEA est un auteur autant polyvalent qu'indépendant. Il a accepté de répondre sans langue de bois à quelques questions pour expliquer son métier de scénariste et les problématiques auxquelles les scénaristes et les producteurs français sont confrontés en 2011.

Ton impression sur le "métier de scénariste" en France aujourd'hui.  En quoi cela consiste ?  
10% de documentation,  30% de  démarchage (dont beaucoup d'écritures gratuites), 10% d'écriture originale, 10% d'écriture de commande, 40% de réécriture: voilà en gros la répartition de notre temps d'activité professionnelle.
Si je le compare à la situation d'il y a 20 ans, je dirais 5% de démarchage, 15% de recherche gratuite et de prise d'air du temps (expos, lectures, visionnages), 15% de documentation orientée sur des sujets précis, 15% d'écriture originale, 25% d'écriture de commande, 25% de réécriture
On voit qu'en 20 ans, c'est la création qui a souffert, et le "nurishment" de l'imaginaire personnel, au profit d'une chasse aux contrats d'autant plus importante qu'ils sont moins bien payés, avec un nombre croissant de versions aussi inutiles que non payées.

C'est quoi la différence entre un auteur et un scénariste ?
Je ne sais pas, c'est une question de vocabulaire et de définition.  Est auteur toute personne qui participe par son imaginaire à une oeuvre de documentaire ou de fiction: parmi ces auteurs, on peut citer, les réalisateurs, les musiciens, les romanciers, les dramaturges, les dessinateurs de BD ou de dessin animés, etc... Est scénariste celui qui imagine des fictions pour l'image, que ce soit le cinéma, la télévision ou la bande dessinée.
En clair, tous les scénaristes sont des auteurs; mais tous les auteurs ne sont pas scénaristes.

Quelles sont les différences de pratiques ou rémunérations avec les Etats-Unis ?
En gros, aux Etats-Unis, on pratique le "work for hire", c'est à dire le travail à la tâche, et en france l'auteur garde un droit moral incessible et inaliénable sur son œuvre.
Mais dans la pratique il y a beaucoup d'effet s pervers au système français, contourné par la loi, car bafoué au quotidien par des pratiques abusives qui font jurisprudence avec l'usage. Et quel auteur Français oserait jouer de son droit moral opposable?  Tout d'abord, il s'engage par contrat à ce que le producteur puisse exploiter son oeuvre paisiblement, et ne peut au mieux qu'enlever son nom d'une oeuvre "abimée" selon lui par d'autres.   S'il va au procès, il est à peu près sûr de se "griller" et blacklister de toute la profession.
Système du copyright et droits d'auteur.
La réponse ici:
http://www.sacd.fr/Droit-d-auteur-et-copyright.201.0.html
Ton regard sur le couple producteur/scénariste: quelles sont les qualités et les faiblesses ?
La faiblesse principale est que ce couple existe!
Pour moi, l'un et l'autre ne doivent faire qu'un!
C'est le principe du showrunner, pas assez appliqué chez nous (Fred Krivine étant l'exception qui confirme la règle).

Des conseils à donner à de futurs producteurs pour optimiser cette relation ainsi que la qualité artistique ou l'originalité des projets développés.
Faites la grève et arrêtez de donner aux chaines ce qu'elles vous demandent!
Quelles sont tes impressions sur la fiction française ? Qu'est ce qui fait que cela marche ou fait un bide ?
Voir le rapport Chevalier






Feuilletonnant ou bouclé, that is the question. Y- a-t-il une recette du projet qui marche auprès des téléspectateurs ?
Non.  La force de Steve Jobs, c'était de donner au gens un produit qui les emballerait, mais dont ils n'avaient pas l'idée avant.
C'est Ford qui a dit: "si j'avais écouté la demande du marché avant de me lancer, j'aurais sélectionné des chevaux pour qu'ils soient plus rapides".
Y  a-t-il une place selon toi pour de jeunes producteurs ?
Oui, mais il faut de nouveaux systèmes de flux d'argent et de décision: être jeune producteur ne suffit pas: le modèle économique tout entier, qui privilégie l'emploi sur la création, est à repenser entièrement.

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